Jacques Lemarchand (1908-1974) un critique combattant


Jacques Lemarchand a rendu de très grands services au théâtre. Cet art fragile, secret, difficile a besoin de serviteurs rigoureux tels que lui. Les gens de la profession savent ce qu’il fit pour elle. Personnellement, je mesure bien ce que je lui dois.

Roger Planchon, Un serviteur rigoureux, La Nouvelle Revue Française, mai 1974, n°257


Biographie de Jacques Lemarchand

Jacques Lemarchand est né à Bordeaux le 12 juin 1908. Après des études secondaires au Collège marianiste de Grand-Lebrun, fréquenté avant lui par François Mauriac, et à l’Ecole Fénelon à La Rochelle, il abandonne ses études de médecine puis de droit. Passionné par la littérature, le théâtre et le cinéma, il s’installe à Paris, au début des années 1930, après avoir effectué son service militaire dans un régiment de zouaves en Afrique du Nord. Jean Paulhan l’aide à publier ses deux premiers romans (RN 234 et Conte de Noël, respectivement parus chez Gallimard en 1934 et en 1937), puis à la Libération deux autres romans (Geneviève et Parenthèse, Gallimard, 1945). A la demande de Paulhan, il entre chez Gallimard en 1943 pour prendre la place de Drieu La Rochelle à la direction de la NRF. Cette tentative échoue mais Jacques Lemarchand reste attaché à la maison Gallimard comme lecteur de manuscrits et directeur d’une collection théâtrale (« Le Manteau d’Arlequin »). Sa collaboration ne prendra fin qu’à sa mort en février 1974.
Rue Sébastien-Bottin, il partage son bureau avec Albert Camus dont il devient un ami très proche. Aussi quand à la Libération le journal Combat sort de la clandestinité, Albert Camus demande à Jacques Lemarchand d’y assurer la critique théâtrale. Ses articles furent tout de suite remarqués pour leur indépendance, la sûreté de leur goût et leur style vif et spirituel. En 1950, il entre au Figaro, puis au Figaro littéraire où le directeur Pierre Brisson, lui-même passionné de théâtre, l’accueille avec enthousiasme voyant en lui le porte-parole de certaines de ses idées. En effet, à une époque où la critique théâtrale est en grande partie tenue par des critiques assez traditionalistes comme Robert Kemp au Monde et très peu ouverts au changement comme Jean-Jacques Gautier au Figaro, Jacques Lemarchand représente pour les auteurs nouveaux, les jeunes compagnies, les metteurs en scène désargentés, les directeurs de théâtre exigeants ou les acteurs de la décentralisation théâtrale un appui fidèle et actif. Pour tous les hommes de théâtre, il tiendra le rôle d’une « conscience fraternelle », selon Michel Corvin. Ainsi, le Grand Prix national du Théâtre – créé en 1969 et décerné successivement à Eugène Ionesco (1969) et au metteur en scène Jean Dasté (1970) – fut tout naturellement attribué au critique de théâtre Jacques Lemarchand, qualifié par Bernard Frank dans une chronique du Monde de « premier critique d’après-guerre ». A sa mort en février 1974, la presse lui rend unaniment hommage. La Nouvelle Revue Française (n° 257, mai 1974) offre plusieurs contributions célèbrant le souvenir de l'homme, de l'ami, du critique théâtral (Marcel Arland, Robert Abirached, Eugène Ionesco, Marcel Maréchal, Silvia Monfort, Bertrand Poirot-Delpech...).
En 2003, les ayant-droits de Jacques Lemarchand ont redécouvert ses archives qui comprennent un ensemble très conséquent de lettres envoyées par des écrivains, des auteurs dramatiques, des acteurs mais également des manuscrits, la dactylographie de ses critiques théâtrales, le carnet qu’il tenait lorsqu’il était « lecteur » à la Comédie française de 1959 à 1974. Ce corpus de documents, qui s’avère très important pour comprendre la vie littéraire et théâtrale de l’après-guerre, a été déposé en 2006 à l’Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine à Caen où il peut être consulté par les chercheurs qui en font la demande.
Pour plus d'informations, voir le lien ci-dessous:
Fonds Jacques Lemarchand sur le site de l'IMEC

Enfin, le journal de Jacques Lemarchand, tenu très régulièrement de 1942 jusqu’à sa mort, est en cours de publication par les Editions Claire Paulhan
Le tome I de ce Journal 1942-1944, « Et quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, on ne peut que passer pour un lâche et un salaud » (édition établie, introduite et annotée par Véronique Hoffmann-Martinot avec le concours de Guillaume Louet) est paru en novembre 2012. Le tome II du Journal 1944-1952, "De temps en temps je serais heureux de dire vrai et tout", édition établie, introduite et annotée par Véronique Hoffmann-Martinot, Éditions Claire Paulhan, est paru en 2016.